Protection sociale des marins professionnels en mobilité sur des pavillon internationaux



Les marins professionnels en mobilité internationale sur des navires battant pavillon d’Etats en dehors de l’Union Européenne, peuvent se prévaloir, selon certaines conditions, soit d’accords bilatéraux de protection sociale entre les Etats concernés, soit de dispositions spécifiques pour les marins qui résident habituellement sur le territoire français

Le secteur maritime est internationalisé, caractérisé par une liberté d’immatriculation du navire, donc une mise en concurrence des législations sociale avec des risques de dumping social notamment dans le milieu du yachting et pour conséquences une faible voire absence de protection pour les marins salariés.

A l’inverse de la coordination sociale au titre de la mobilité au sein de l’Union Européenne, les marins qui embarquent sur des navires battant pavillon d’Etat tiers en dehors de l’espace européen bénéficient généralement de règles moins protectrices en tant qu’ils sont assujettis par principe à l’Etat du pavillon dont bat le navire, Etats qui pour la plupart ne garantissent que peu de droits sociaux afin pour conséquence des conflits de droit du travail et de sécurité sociale

Pour ce faire, certains Etats ont concluent des conventions bilatérales de protection sociale avec pour objectif de coordonner les législations et garantir un maximum de droits à protection aux marins en situation de mobilité.

Enfin, à défaut d’application de convention internationale, la législation français a mis en oeuvre une réglementation spécifiques et protectrice pour certains marins répondant à des critères notamment de résidence sur le territoire français.

Principe de la loi du pavillon

L’article 94 de la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer énonce que tout Etat exerce effectivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratifs, technique et social sur les navires battant son pavillon.

Les devoirs et les obligations qui incombent à l’Etat concernent notamment les conditions de travail, les effectifs et les questions sociales à bord des navires qui battent son pavillon

En ce sens, les marins qui embarquent des navires battant pavillon d’un Etat situé en dehors de l’Union Européenne et avec lequel la France n’a conclu aucune convention, ne pourront bénéficier que de la seule protection sociale prévue par la législation de cet Etat

Or, la plupart des embarquements concernés, notamment dans le milieu du yachting, concerne des pavillons d’Etat de complaisance (Bahamas, Saint Vincent et Grenadine, Panama, Delaware…) qui au mieux proposent uniquement les garanties minimales de protections au regard des standards de la Convention Internationale sur le travail maritime qui rappelle que :

Tous les gens de mer ont droit à la protection de la santé, aux soins médicaux, à des mesures de bien-être et aux autres formes de protection sociale (Article IV)

Dans ces circonstances, il est vivement recommandé aux marins de souscrire à une assurance volontaire et personnelle afin de pallier une faible, voire inexistante, protection sociale.

Accords bilatéraux de protection sociale

Afin de protéger ses ressortissants embarqués sur des navires dont l’Etat ne propose aucune protection sociale, la France a conclu un certain nombre de conventions bilatérales de sécurité sociale.

Chaque convention détermine son champ de compétence et ses propres critères de désignation de la législation applicable.

Les conventions internationales signées par la France sont recensées par le Centre de Liaison Européen des organismes de sécurité sociale

Résidence habituelle du marin en France

L’Etat français a impulsé une législation unique visant à assurer une protection sociale pour les marins professionnels embarqués sur des navires dont l’Etat du pavillon n’a conclu avec la France aucune conventions et qui résident habituellement en France.

La loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 entrée en vigueur au 1er janvier 2018 a mise en place ce dispositif visant à obliger les entreprises de travail maritime à garantir une protection sociale aux marins salariés en application du droit français, et par conséquence à leur famille, qui résident habituellement en France.

L’objectif est que les gens de mer bénéficient d’une protection sociale pas moins favorable, donc équivalente, à celle dont jouissent les travailleurs terrestres

L’entrée en vigueur de la disposition fut houleuse suite à l’opposition d’un groupement de professionnels du yachting qui invoquaient l’annulation des dispositions en soulevant une atteinte au principe d’égalité et un risque d’impact négatif sur la filière notamment que les employeurs déportent leur contrat d’engagement maritime au bénéfice de marins étrangers faute d’harmonisation de la législation entre les Etats frontaliers de la Méditerrané

Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 5 octobre 2018 a réfuté l’ensemble des arguments notamment en écartant l’atteinte au principe d’égalité et l’absence de conformité au regard de la convention maritime du travail. Dès lors en application de l‘article L 5551-1 2° du Code des transports :

Sont affiliés au régime d’assurance vieillesse des marins, dans le respect de la convention du travail maritime, adoptée à Genève le 7 février 2006, les gens de mer résidant en France de manière stable et régulière et embarqués sur un navire battant pavillon d’un Etat étranger

Cette disposition tempère le principe de la loi du pavillon en tant que l’employeur qui embarque un marin qui réside habituellement en France, ne peut s’affranchir de ses obligations sociales sous l’égide de l’Etat du pavillon, mais doit proposer une protection sociale.

Exerçant sa juridiction dans les questions sociales, la Convention internationale du travail (MLC 2006) recommande que l’État du pavillon s’assure que l’armateur satisfait à ses obligations en matière de sécurité sociale et, notamment, qu’il s’acquitte du versement de toute cotisation due pour des gens de mer qu’il emploie qui peut être prévue par le système national de sécurité sociale d’un autre pays

A noter que cette mesure s’appliquant à des navires qui font l’objet d’une exploitation normale dans le cadre de leur activité, elle ne concerne pas les navires en travaux. Dès lors, l’employeur n’est pas tenu par cette obligation à l’égard des marins salariés pendant les périodes de travaux rendant le navire inexploitable ou les périodes de présence dans un chantier naval

Une résidence stable et régulière du marin salarié

La durée de la résidence stable et régulière s’entend d’un séjour effectif sur le territoire métropolitain ou dans un département d’Outremer d’au moins 6 mois.

Pour les marins qui habitent sur le navire pendant leur(s) contrat(s) et qui n’ont pas leur foyer sur le territoire national, cette durée s’analyse au regard de la présence du marin dans les eaux territoriales ou intérieures pendant une durée de 6 mois, appréciée sur 12 mois.

Cette résidence peut être constituée le cas échéant de séjours non continus et peut être avérée par tout élément reconnu classiquement (contrat de bail, contrat d’amarrage, abonnements et factures diverses)

Une assurance volontaire

Les marins, résidant en France de manière stable et régulière, embarqués sur un navire battant pavillon d’un Etat étranger sont ainsi par principe affilié au régime de sécurité sociale français sous réserve que l’employeur puisse proposer une assurance volontaire.

L‘article L 5551-1 2° du Code des transports précise en effet parmi les exceptions à l’obligation d’affiliation au régime de sécurité sociale français :

Ne pas être couverts par une protection sociale au moins équivalente à celle prévue à l’article L. 111-1 du code de la sécurité sociale.

Pour satisfaire à ses obligations sociales à l’égard de ses marins salariés, l’employeur doit, soit les affilier au régime de sécurité sociale des marins géré par l’Etablissement National des Invalides de la Marine, soit proposer une assurance individuelle proposant un niveau de garantie au moins équivalent à la protection sociale française.

Dans l’hypothèse de la souscription à une assurance privée comme par exemple auprès de Wycc ou Frolson, celle-ci doit donc garantir :

  • une prise en charge des frais de santé pour le marin et ses ayants droit
  • Des indemnités compensatrices de salaire en cas de maladie et d’accident, professionnels ou non
  • Une indemnisation de l’invalidité permanente et des prestations de vieillesse y compris la réversion et des prestations familiales visant notamment à l’entretien  des enfants ou à l’accueil du jeune enfant

En conclusion, cette disposition vise à offrir une couverture sociale complète aux gens de mer notamment dans le milieu du yachting, conformément aux engagements pris dans la convention du travail maritime tout en tant compte des mécanismes de protection existant sur les pavillons extracommunautaires par le biais des assurances privées.

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