Brexit et règles de protection sociale des marins entre la France et le Royaume-Uni



La sortie du Royaume-Britannique de l’Union Européenne a pour conséquence la fin d’application des Règlements communautaires portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale pour les relation entre les ressortissants britanniques et ceux de l’Union Européenne. Pour autant, un protocole d’accord a mis en œuvre un mécanisme protecteur des droits sociaux lors des mobilités internationales entre la France et le Royaume-Uni.

Le Parlement Européen a ratifié le 29 janvier 2020 l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne qui a ensuite été approuvé par une décision du Conseil 2020/135 du 30 janvier 2020 suite à de longues tractations politiques entre les parties en présence.

Le Royaume-Uni : Etat tiers de l’Union Européenne

La sortie du Royaume-Britannique de l’Union Européenne a pour conséquence, depuis le 1er janvier 2021, la fin d’application du Règlement CE 883/2004 du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et son Règlement d’application CE 987/2009 pour les relation entre les ressortissants britanniques et ceux de l’Union Européenne.

En ce sens, les employeurs, les marins salariés ainsi que les indépendants ne peuvent plus bénéficier des règles de réciprocité garantissant un niveau de protection sociale élevé, et doivent désormais remplir les conditions de régularité de séjour en vue d’une activité professionnelle lors de leur mobilité entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni.

Un protocole d’accord protecteur des droits sociaux

Pour pallier les conséquences sociales du retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne et éviter l’application des règles inhérentes aux mobilités entre Etats tiers, un protocole d’accord a été adopté entre la France et le Royaume-Uni avec des dispositions spécifiques concernant la mobilité des marins professionnels

Maintien du principe de l’affiliation à l’Etat dont bat pavillon le navire

For the purposes of this Title, an activity as an employed or self-employed person normally pursued on board a vessel at sea flying the flag of a State shall be deemed to be an activity pursued in the said State.

Autrement dit, la règle de l’article 11§4 du Règlement Européen CE 883/2004 est reprise dans le nouvel accord avec le principe qu’un marin exerçant une activité à bord d’un navire en mer battant pavillon d’un État sera affilié au régime de sécurité sociale de cet État.

Exemple : un marin qui réside en France et embarque sur un navire sous pavillon britannique pour le compte d’un employeur qui n’est pas basé en France, sera par principe affilié au régime de sécurité sociale anglais

Maintien du principe de l’affiliation de plein droit à l’Etat de résidence habituelle du marin

However, a person employed on board a vessel flying the flag of a State and remunerated for such activity by an undertaking or a person whose registered office or place of business is in another State shall be subject to the legislation of the latter State if that person resides in that State. The undertaking or person paying the remuneration shall be considered as the employer for the purposes of the said legislation

En ce sens, si le marin est rémunéré par une entreprise ou une personne ayant son siège ou son domicile dans un autre État, ce marin sera soumis à la législation de sécurité sociale de ce dernier État si ce salarié y réside, l’entreprise ou la personne qui verse la rémunération étant considérée comme l’employeur.

Exemple : un marin qui réside en France et embarque sur un navire sous pavillon britannique pour le compte d’un employeur basé en France, sera affilié au régime de sécurité sociale français soit le régime spécial des marins – Enim

Maintien du principe du détachement

Concernant le détachement, le protocole instaure un mécanisme original de droit d’option prévu à l’article SSC.11 :

By way of derogation from Article SSC.10 and as a transitional measure in relation to the situation that existed before the entry into force of this Agreement, the following rules as regards the applicable legislation shall apply between the Member States listed in Category A of Annex SSC-8 and the United Kingdom :

(a) a person who pursues an activity as an employed person in a State for an employer which normally carries out its activities there and who is sent by that employer to another State to perform work on that employer’s behalf shall continue to be subject to the legislation of the first State, provided that :
(i) the duration of such work does not exceed 24 months and;
(ii) that person is not sent to replace another detached worker.

(b) a person who normally pursues an activity as a self-employed person in a State who goes to pursue a similar activity in another State shall continue to be subject to the legislation of the first State, provided that the anticipated duration of such activity does not exceed 24 months

En d’autres termes, l’Etat peut soit opter pour la modalité de refuser les maintiens de situations dérogatoires de détachement dès lors qu’il n’est plus tenu par le règlement Européen ou, au contraire, décider d’opter pour le maintien de cette possibilité.

La France et le Royaume-Uni ont officiellement décidé de maintenir les situations dérogatoires de détachement avec un alignement des pratiques sous l’empire de l’article 12 du Règlement Européen CE 883/2004

En conséquence, un marin pourra être détaché entre la France et le Royaume-Uni, à condition que sa situation respecte les conditions suivantes :

  • L’employeur ou le marin non-salarié doit exercer des activités substantielles sur le territoire de l’État dans lequel il est établi ;
  • Le marin salarié ne doit pas être détaché en remplacement d’une personne détachée ;
  • L’affiliation du marin salarié dans l’État d’envoi avant son détachement ;
  • Le maintien du lien organique entre l’entreprise d’envoi et le marin salarié détaché;
  • La limitation du détachement à une durée maximale de 24 mois ;
  • La force probante du formulaire A1;
  • Le caractère préalable, lorsque c’est possible, de la notification ;
  • Enfin, la procédure de dialogue et de conciliation en cas de retrait de formulaire A1. 

À noter enfin que la durée du détachement est limitée à 24 mois sans possibilité de prolongation et de dérogation par le biais d’accords particuliers entre les Etats de l’Union et le Royaume-Uni, ceci contrairement à ce que prévoyait l’article 16 du règlement 883/2004

Exonération d’impôt des salariés détachés à l’étranger : exclusion des salariés sous contrat britannique

Les personnes résidentes fiscales françaises qui exercent une activité salariée et qui sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d’établissement de l’employeur peuvent bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l’activité exercée dans cet Etat. Pour que l’exonération soit applicable, l’employeur doit être établi en France, dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (CGI art. 81 A).

En réponse à un parlementaire, l’administration rappelle que, depuis le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni est un Etat tiers à l’UE et à l’EEE. En conséquence, les salariés d’employeurs britanniques, domiciliés fiscalement en France et envoyés à l’étranger, n’entrent plus dans le champ d’application de l’exonération prévue à l’article 81 A, I du CGI. En conséquence, depuis le retrait du Royaume-Uni de l’union européenne au 1er janvier 2021, un marin salarié d’une entreprise ayant son siège social au Royaume-Uni, qui réside fiscalement en France et est envoyé en mission à l’étranger, ne peut plus bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de son activité exercée hors de France et du Royaume-Uni

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