Port de plaisance et période de confinement : dispositions spécifiques
Durant la période de confinement prescrite par le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les mesures de restriction suscitent de nombreuses interrogations légitimes auprès de la communauté portuaire et en ce sens des précisions ont été apportées concernant l’utilisation du navire et des infrastructures portuaires.
Alors que suite au plan de déconfinement les pratiques nautiques étaient autorisées depuis le 11 mai 2020 dans les eaux intérieures et maritimes françaises, sous réserve de respecter les consignes sanitaires, le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, a de nouveau interdit par principe la pratique des activités nautiques et de plaisance sur le littoral Manche et Atlantique ainsi que sur le littoral Méditerranéen.
Les mesures de restriction suscitent de nombreuses interrogations légitimes auprès de la communauté portuaire et en ce sens des précisions ont été apportées concernant l’utilisation du navire et des infrastructures portuaires.
Rappelons que le port du masque est obligatoire sur le domaine portuaire, y compris les pontons. Cette obligation concerne aussi les professionnels des entreprises exerçant leurs activités sur le domaine portuaire et tout manquement peut faire l’objet d’une verbalisation
Le gestionnaire d’un port de plaisance est soumis à des obligations de service public. Il doit notamment garantir l’accueil des plaisanciers et assurer la continuité du service offert par la surveillance et l’entretien des infrastructures. En contre partie de ces services, les plaisanciers sont redevables de redevances.
Ces droits et obligations de chacune des parties engendrent des responsabilités d’autant plus importantes lors de circonstances exceptionnelles.
Accès au littoral et sorties en mer pour un usage privé
Le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie interdit depuis le 30 octobre à minuit et jusqu’au moins le 1er décembre 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile sauf exceptions dérogatoires.
Rappelons que le principe de liberté d’aller et venir à une valeur constitutionnelle et à ce titre fait partie intégrante des droits fondamentaux protégés par le bloc de constitutionnalité avec notamment l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui consacre le principe et l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958
Contrairement à la première période de confinement, l’ensemble de l’accès au littoral reste autorisé (sentiers, plages, cales de mise à l’eau…) ce qui couvre notamment :
- L’accès aux plages, chemins, sentiers, espaces dunaires, forêts et parcs situés sur le littoral
- La fréquentation piétonne, cycliste et à tous véhicules non-motorisés, de l’ensemble des espaces publics artificialisés du littoral : les ports, les quais, les jetées, les esplanades, les remblais et les fronts de mer, quelle que soit leur configuration, pour toute la population.
- L’accès aux cours d’eau, aux lacs et plans d’eau publics ainsi qu’à leurs rives, aux parcs et jardins publics, qu’ils soient clos ou non
Les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public autres que ceux expressément mentionnés mettant en présence de manière simultanée plus de six personnes sont interdits.
En revanche, l’article 46 du décret 2020-1310 du 29 octobre 2020 ne vise pas la navigation de loisir à partir d’un port de plaisance et à ce titre, celle-ci reste interdite.
En conséquence, l’accès aux infrastructures portuaires(grutage, cales de mise à l’eau, carénage, manutentions….) est interdit
En revanche, les déplacements pour l’hivernage et les actions assimilées sont tolérés si le plaisancier est en mesure de justifier de l’acte de propriété du navire et de son autorisation de mouillage
Il revient dans ce cas de sélectionner le motif de participation à une mission d’intérêt général sur demande de l’autorité administrative
Navigation pour rejoindre un port d’attache habituel
La navigation dont l’objet est de rejoindre le port habituel d’attache est autorisé étant précisé qu’il s’agira d’un départ définitif sans possibilité de navigation tant que les dispositions du décret du 29 octobre 2020 sont en vigueur.
Le plaisancier doit avertir le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de la date de départ et d’arrivée ainsi que le nom du navire, son immatriculation et la composition de l’équipage.
Navire comme résidence habituelle et navigation
Le fait pour un plaisancier de posséder un navire en qualité de résidence habituelle ne l’autorise pas d’effectuer des navigations.
Dans cette situation, le navire étant considéré comme lieu de résidence, le propriétaire, avec le cas échéant les membres de sa famille résidant avec lui, doit utiliser l’attestation de sortie pour les activités autorisées (Accès aux sanitaires du port, achats de premières nécessités, raisons médicales….)
Admission et refus des navires de plaisance
L’accès au sein d’un port de plaisance est réservé aux seuls navires de plaisance, en dehors de cas particuliers qui répondent à la qualification de navire au sens de l’article L 5000-2 du code des transports c’est à dire tout engin flottant, construit et équipé pour la navigation maritime et affecté à celle-ci.
En outre, tout navire séjournant dans le port doit être maintenu en bon état d’entretien, de flottabilité et de sécurité pour disposer d’une totale et permanente autonomie de mouvement.
Navires en détresse
Il appartient à l’Etat de déterminer les conditions d’accueil des navires en difficulté au sein d’un port de plaisance conformément à l‘article L 5331-3 du code des transports étant précisé que la réparation des dommages causés par un navire en difficulté accueilli dans un port peut être demandée au propriétaire, à l’armateur, ou à l’exploitant.
L’autorité administrative enjoint s’il y a lieu à l’autorité portuaire d’accueillir un navire ayant besoin d’assistance. Elle peut également, s’il y a lieu, autoriser ou ordonner son mouvement dans le port.
En revanche, l’autorité investie du pouvoir de police portuaire qui n’a pas la qualité d’autorité portuaire ne peut autoriser l’entrée d’un navire, bateau ou autre engin flottant dans les limites administratives du port sans l’accord de l’autorité portuaire.
Il incombe par principe à l’autorité portuaire d’accueillir un navire de plaisance ayant besoin d’assistance. Si l’arrivée inopinée d’un navire peut représenter une contrainte majeure pour un port, le principe universel de secours aux personnes en mer doit primer.
En outre, les dispositions de l’article 223-6 du Code pénal prévoyant le délit d’abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril seraient susceptibles d’être retenues à l’encontre de toute personne, physique ou morale, dès lors que le refus d’accueil du navire ne saurait se trouver justifié par un risque légitimement encouru par l’infrastructure ou les tiers.
En revanche, à défaut d’une définition consensuelle et universelle de la détresse en mer, les Etats adoptent des approches différentes.
Une première approche consiste à considérer la détresse de façon stricte, comme l’existence d’un péril certain et déjà matérialisé. Une seconde acception, plus souple précise qu’il s’agit entre autre d’une situation dans laquelle un navire est menacé d’un danger grave et imminent et qu’il a besoin d’un secours immédiat.
Le Règlement de l’Union Européenne n° 656/2014 retient que l’immédiateté du péril n’est pas nécessaire à la qualification d’une situation de détresse et précise des critères en vue de la qualification de la détresse comme :
- L’existence d’une demande d’assistance
- Le nombre de personnes se trouvant à bord par rapport au type et à l’état du navire
- La présence à bord de personnes ayant un besoin urgent d’assistance médicale
- La présence à bord de personnes décédées
L’entrée dans le port viserait alors à mettre un terme à cette situation de détresse étant précisé qu’il incombe au plaisancier une lourde responsabilité puisqu’il lui revient de veiller à respecter l’équilibre entre la nature et l’imminence du danger qui menace la sécurité du navire et les risques que présente, pour le port, l’entrée du navire.
La réparation des dommages causés par un navire en difficulté accueilli dans un port peut être demandée au propriétaire, à l’armateur, ou à l’exploitant.
Si en situation exceptionnelle, un Etat peut empêcher un navire de faire escale dans ses ports et refuser l’embarquement et le débarquement de passagers, ces mesures nécessairement fondées sur des études scientifiques, doivent être proportionnelles et ne pas être plus restrictives ni plus intrusives ou invasives pour les personnes que les autres mesures raisonnablement applicables.
Immobilisation forcée du navire et paiement de la redevance portuaire
Du fait de circonstances exceptionnelles, se pose la question légitime de savoir si le plaisancier peut s’exempter du paiement des taxes portuaires quand son navire est en immobilisation forcée dans un port.
L’article L2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques précise que toute occupation du domaine public maritime est en principe assujettie au paiement d’une redevance. A l’occasion de circonstances exceptionnelles, l’autorité portuaire peut décider un confinement total des plaisanciers et interdire toute sortie de navires de l’enceinte du port de plaisance.
La Préfecture Maritime est la seule autorité compétente pour interdire la navigation et quand bien même les Autorités Portuaires auraient été à l’origine de ces interdictions, les plaisanciers ne sont pas légitimes à refuser de verser une redevance en raison du fait que celle-ci ne prévoit dans son coût l’assurance de pouvoir sortir en mer.
Une interdiction de sortie en mer ne rend pas un contrat d’amarrage nul, caduque, forclos, opposable ou déchu ou prescrit
Ainsi, au même titre que le maintien des loyers d’habitation, des parkings, ou d’autres cotisations et échéances, lors d’une mesure de confinement total, les plaisanciers restent redevables du paiement de la redevance portuaire
Par conséquent, le paiement des redevances des postes d’amarrage est toujours valable. Ainsi, ni la loi, ni un règlement de police portuaire, ni un contrat d’amarrage entre un plaisancier et un gestionnaire de port de plaisance, ne prévoit qu’une redevance puisse être suspendue en cas d’empêchement ou d’interdiction de prendre la mer.
En conclusion même un navire de passage dans un port de plaisance qui avait prévu de le quitter mais qui s’en retrouve empêché, ceci quelle que soit la raison (technique, météorologique ou légale) reste redevable d’une redevance envers le port pour le temps durant lequel il s’y trouve.
Le non-paiement d’une redevance domaniale pourra en outre entrainer un retrait de l’autorisation d’occupation du domaine public et le gestionnaire du port pourra également demander la saisie du navire en cas de non-paiement des droits de port. Conformément à l‘article 285 du Code des douanes, les litiges relatifs au recouvrement des droits de port et des redevances ressortent de la compétence du Tribunal Judiciaire quel que soit le niveau financier de la contestation.
En revanche, des raisons techniques propres au port de plaisance rendant impossible l’accès au navire ou son usage seraient susceptibles après délibération du Conseil d’administration du port de conduire à des mesures de remise commerciale.
Sécurisation des navires
Objet de convoitise, le navire amarré dans un port de plaisance est susceptible de faire l’objet d’actes malveillants à l’instar du vol mais également de toute autre dégradation volontaire.
En période habituelle comme exceptionnelle, le gestionnaire du port de plaisance doit assurer une surveillance générale des installations du port. Toutefois, il n’a pas qualité de dépositaire ou de gardien des navires et des biens se trouvant dans l’enceinte portuaire.
L’autorité portuaire n’étant pas redevable d’une obligation de garde des embarcations
De jurisprudence constante et à l’inverse des abus de langage sur les pontons, le gestionnaire n’a pas pour objet d’assurer le gardiennage des navires se trouvant dans l’enceinte portuaire mais ne s’oblige à intervenir que pour assurer une surveillance générale de l’ensemble des embarcations.
Par un arrêt rendu le 3 juin 1998, la Cour d’appel de Montpellier, à propos d’un incendie criminel survenu à bord d’un navire amarré dans un port de plaisance, a considéré que le gardiennage du port qui permet une surveillance de celui-ci et de l’ensemble des bateaux ne peut être confondu avec un gardiennage individuel avec une présence d’un gardien qui va vérifier l’état de chacun des bateaux
De ce contrat de louage, la responsabilité de l’autorité portuaire ne sera qu’une simple obligation de moyens et non de résultats. Il en résulte que dans l’hypothèse où le navire viendrait à subir des dégâts matériels, la charge de la preuve reposera sur son propriétaire et son assureur. Il leur reviendra de démontrer que ladite autorité a commis une faute et ne s’est pas comportée avec toute la diligence que l’on pouvait attendre d’elle.
En d’autres termes, l’autorité portuaire n’est pas responsable de plein droit de la conséquence d’actes malveillants commis à l’encontre des navires dans la mesure où il ne lui revient pas d’assurer leur garde ni leur conservation
De même , par principe, l’exploitant du port ne répond pas des dommages occasionnés aux navires ou aux biens par des tiers et sa responsabilité ne pourra pas être recherchée à l’occasion de services accessoires que l’usager aurait pu confier à des tiers.
Pour autant, si par principe, les navires sont amarrés sous la responsabilité des usagers, conformément aux usages maritimes, le port de plaisance peut néanmoins voir sa responsabilité engagée dans certaines circonstances au regard d’une jurisprudence fluctuante.
Intervention de l’autorité portuaire sur les navires
Dans certaines situations, le gestionnaire portuaire peut devoir intervenir sur des navires qu’il s’agisse d’une circonstance urgente ou de gestion courante comme par exemple lors d’une opération dragage ou de l’accueil d’une manifestation nautique nécessitant un réajustement des places à quai.
Dans cette situation, la garde du navire sera transférée, en tout ou partie, du propriétaire du navire vers l’autorité portuaire qui, en cas de dommages survenant consécutivement à l’intervention du personnel d’exploitation, engagera sa responsabilité sur le fondement de l’article 1242 du code civil selon lequel une personne est responsable par le fait des choses qu’elle a sous sa garde selon les critères d’usage, de direction et de contrôle.
En outre, les règlements particuliers de police portuaire comportent généralement une clause qui établie que le personnel chargé de l’exploitation du port est qualifié pour effectuer ou faire effectuer les manœuvres jugées nécessaires sans que la responsabilité du propriétaire soit en rien engagée.
A l’inverse, si le contrat annuel de stationnement contient une clause par laquelle la société assure la garde matérielle du bateau et sa responsabilité juridique est couverte par un contrat auprès de sa compagnie d’assurances, en cas de dommages ou de vol, l’autorité portuaire verra sa responsabilité engagée.