Abordage et détermination de la responsabilité au regard du RIPAM



La Cour d’appel d’Aix-Marseille a rendu un arrêt dans une affaire d’abordage entre un Yacht et un navire à moteur afin de déterminer les responsabilités au regard du Règlement International pour Prévenir les Abordages en Mer.

L’abordage constitue l’un des principaux risques maritimes, quel que soit le secteur d’activité, redouté tant par l’équipage au regard des conséquences matérielles voire humaines, mais également par les autorités maritimes du fait des risques pour la sécurité et l’environnement marin.

Parfois la conséquence d’un mouillage défectueux ou de prises de risque lors de manifestations nautiques sportives, la plupart du temps il survient en navigation. En ce sens, la Cour d’appel d’Aix en Provence a rendu un arrêt dans lequel les juges ont du déterminer la responsabilité de plaisanciers suite à un abordage au regard des dispositions du Règlement International pour Prévenir les Abordages en Mer.

Dans cette affaire, un accident en mer s’est produit dans la rade sud-est de Marseille mettant en cause, d’une part, un navire de plaisance à moteur et, d’autre part, un yacht. À la suite de la collision entre les deux navires le skipper et le passager du bateau à moteur ont été éjectés à l’eau et ce dernier gravement blessé alors que le navire coulait.

Selon l’article L. 5131-3 du code des transports l’abordage est soumis au régime de la faute prouvée. En effet, si l’abordage est causé par la faute de l’un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l’a commise.

Si l’abordage est fortuit, s’il est dû à un cas de force majeure, s’il y a un doute sur les causes de l’accident, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés sans distinguer le cas où soit les navires, soit l’un d’eux était au mouillage au moment de l’abordage.

S’il y a faute commune, la responsabilité de chacun est proportionnelle à la gravité des fautes respectivement commises. Toutefois si, d’après les circonstances, la responsabilité ne peut être établie ou si les fautes apparaissent comme équivalentes la responsabilité est partagée par parts égales.

La charge de la preuve d’une faute incombe à celui qui s’en prévaut.

Dans cette affaire, le rapport d’expertise judiciaire a pris en considération les caractéristiques des deux navires, les déclarations du pilote et des passagers du yacht, les conditions météorologiques au moment de l’abordage et les traces laissées par le navire à moteur sur la coque du yacht. L’expertise a permis également estimer que les deux navires suivaient quasiment la même route en déterminant le cap et la vitesse de chacun d’entre eux.

En conformité avec les déclarations de certains passagers du Yacht et des protagonistes de l’accident, l’expertise a souligné que le Yacht a percuté l’arrière de la coque du navire à moteur  à l’endroit où le franc bord est le plus bas ce qui a permis de logiquement conclure que le Yacht était le navire dit rattrapant

La Règle n°13 du Règlement International pour prévenir les abordages en mer énonce que :

Tout navire qui en rattrape un autre doit s’écarter de la route de ce dernier.
Doit se considérer comme en rattrapant un autre, un navire qui se trouve dans une position telle, par rapport au navire rattrapé, que, de nuit, il pourrait voir seulement le feu arrière de ce navire, sans voir aucun de ses feux de côté.
Lorsqu’un navire ne peut déterminer avec certitude s’il en rattrape un autre, il doit se considérer comme un navire qui en rattrape un autre et manœuvrer en conséquence.
Aucun changement ultérieur dans le relèvement entre les deux navires ne peut faire considérer le navire qui rattrape l’autre comme croisant la route de ce dernier au sens des présentes règles ni l’affranchir de l’obligation de s’écarter de la route du navire rattrapé jusqu’à ce qu’il soit tout à fait paré et clair.

En conséquence, le Yacht qui n’était pas prioritaire aurait dû s’écarter de la route du navire et son pilote a ainsi commis une faute.

Par ailleurs, les relevés météorologiques révèlent que le jour de l’abordage la visibilité était bonne et qu’au moment de l’abordage, il ne faisait pas encore nuit, de sorte qu’une veille effective aurait dû permettre à chacun des navires d’éviter l’abordage

Or, la Règle n°5 du Règlement International pour prévenir les abordages en mer énonce que :

Tout navire doit en permanence assurer une veille visuelle et auditive appropriée, en utilisant également tous les moyens disponibles qui sont adaptés aux circonstances et conditions existantes, de manière à permettre une pleine appréciation de la situation et du risque d’abordage.

Chacun des navires a donc manqué à cette règle, ceci d’autant plus que le Yacht était équipé d’un radar qui aurait donc dû détecter la présence du navire à moteur et aurait su que celui-ci était en situation de navire rattrapé si ce radar avait été mis en fonction.

Cette lacune constitue également une infraction à la Règle n°7 du Règlement International pour prévenir les abordages en mer énonce que :

S’il y a à bord un équipement radar en état de marche, on doit l’utiliser de façon appropriée en recourant, en particulier, au balayage à longue portée afin de déceler à l’avance un risque d’abordage.

En conséquence, au regard du Règlement International pour prévenir les abordages en mer, la Cour d’appel a considéré qu’au regard des fautes commises tant par le navire à moteur que par le yacht et compte tenu de la gravité des fautes respectives de chacun d’entre eux qui ont ensemble contribué à l’entier dommage, et en conséquence a réparti entre eux la charge de la réparation à concurrence de 80% pour le yacht abordeur et 20% pour le navire à moteur abordé pour n’avoir pas assuré une veille visuelle et auditive appropriée.

Cette répartition qui peut paraître arbitraire, relève néanmoins de la mission d’appréciation du juge, qu’il accomplit de manière comparable en bien d’autres domaines.

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