Une brève histoire des Troupes de Marine



Les Troupes de Marine et les unités de Fusiliers marins ont en commun une même origine, celle des Compagnies ordinaires de la mer créées en 1622 par Richelieu et qui deviendra 4 années plus tard le régiment de La Marine. Malgré un héritage partagé, ce sont pourtant deux corps différents.

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Troupes de Marine et fusiliers marins

Malgré un héritage partagé, ces deux corps sont pourtant deux corps différents.

  • De prime abord, les fusiliers marins appartiennent à la Marine Nationale et portent une double casquette d’actions terre et mer, ils sont employés sur tous les navires et sites de la Marine.
  • A l’inverse, les Troupes de Marine dépendent de l’armée de terre et mènent uniquement des combats amphibies occasionnels. On retrouve d’ailleurs cette particularité dans la devise du 2ème régiment d’infanterie de Marine : « Fidélité et honneur sur terre et sur mer ». Les troupes de Marine conservent donc une origine océanique, en témoignent la présentation d’une ancre sur les uniformes et les bérets.

Plusieurs raisons expliquent cette différence. Historiquement, les spécificités à bord des navires devinrent plus nombreuses : un corps de l’artillerie de Marine fut ainsi créé par une ordonnance du 16 février 1692, puis ce fut l’école de médecine navale qui fut lancée le 5
février 1722, afin de former les chirurgiens embarqués à bord des navires de la marine royale, etc. Par ailleurs, suite à la disparition, de la célèbre Compagnie des Indes en 1769, Choiseul, le chef du gouvernement de Louis XV, avait décidé de réorganiser les troupes de
marine en créant une brigade supplémentaire d’artillerie de marine et une brigade de fusiliers. Cette réforme aura des conséquences pour les Troupes de Marine qui devinrent

« le Corps royal d’artillerie et d’infanterie de la marine ». Les Troupes de Marine abandonnèrent alors progressivement les campagnes de mer aux Fusiliers Marins. N’étant plus que des passagers sur les embarcations, ils laissaient la marine se débrouiller à la manœuvre. Ainsi apparurent les termes « Marsouins » (comme les marsouins qui suivaient nonchalamment les vaisseaux) pour les soldats de l’infanterie et « Bigors » (diminutif de « bigorneaux ») pour désigner les artilleurs. La séparation devint alors définitive, notamment dans l’artillerie, entre les troupes de marine reconstituées et les équipages des vaisseaux.

L’artillerie dans la Marine

C’est au début de notre ère que les Chinois font une découverte capitale. Un produit vivement combustible qui résulte d’un mélange de soufre, de charbon, et de salpêtre (sel de pierre) fait son apparition, l’ancêtre de la poudre à canon est né.

Il faudra toutefois attendre le siège de La Réole en 1324, pendant la guerre de Saint-Sardos, pour voir une première bataille avec l’utilisation de canons, les assiégeants français utilisèrent alors une bombarde mais sans grand succès. Puis ce fut en 1346, à Crécy, que les anglais expérimentèrent la première intervention de l’artillerie à poudre sur un champ de bataille. Les canons et les mortiers furent d’abord utilisés contre les ouvrages de fortification, mais aussi contre l’infanterie ennemie en utilisant des projectiles qui explosaient en se fragmentant. On admet généralement que le canon proprement dit fait son apparition au XVème siècle (1).

Puis, durant la seconde moitié du XVème siècle, de nombreuses mines de cuivre sont ouvertes, ce qui va permettre une production importante de bronze, beaucoup plus pratique pour la fabrication des canons. Par la suite, les pièces d’artillerie se perfectionnèrent constamment : leur cadence de tir augmenta et leur pointage se trouva facilité par les perfectionnements techniques. Ce phénomène, associé à une meilleure maîtrise de la poudre, va alors déboucher sur une utilisation des canons performante et sur la création progressive de corps d’artillerie au sein des armées et bien évidemment en France. À partir du XVIème siècle, l’emploi de l’artillerie devint réellement efficace au cours des combats et la plupart des États européens tentèrent de développer cette arme nouvelle. Il faudra cependant attendre la fin du XVIIème siècle pour assister à la constitution d’une troupe régulière d’artillerie car il s’agissait jusque-là d’un service civil sous l’autorité d’un maître d’artillerie qui n’était pas soumis directement à l’autorité militaire.

Les guerres se menant aussi bien sur terre que sur mer, les bateaux s’équipèrent progressivement de canons, mais à cette époque, tout navire de guerre est d’abord un « porte-canons » (2). Stockés sur les quais, les canons peuvent être réutilisés d’une année sur l’autre. Ils s’usent principalement en combat naval où ils sont soumis à de très rudes contraintes (la marine française, comme la marine anglaise, choisit alors de remplacer le bronze par la fonte). Toutefois en matière d’artillerie, c’est la maintenance qui joue un rôle déterminant autant que la conception et cette maintenance va revenir aux troupes de marine. En 1761, il existera neuf brigades d’artillerie de la marine à terre, l’artillerie de marine jouant un rôle prépondérant dans toutes les campagnes sur mer, mais aussi sur terre.

De Troupes de Marine à Troupes coloniales

Ayant quitté la mer pour la terre, les Troupes de Marine furent alors affectées à la défense des ports et des conquêtes françaises outre-mer. Autrefois embarquées à bord des navires, elles devinrent plus utiles sur terre pour étendre et maintenir les conquêtes coloniales. C’est ainsi que les Troupes de Marine perdirent -provisoirement- leur nom et devinrent les troupes coloniales, dites « la Coloniale » (qui à son tour disparait en 1958) puis retrouvent le nom de Troupes de Marine, tout en restant dans l’armée de terre (3).

La Coloniale attirait de jeunes officiers attirés par le goût des voyages et pourvus d’une forte ambition. Le meilleur exemple étant celui du capitaine de l’infanterie de Marine, Jean- Baptiste Marchand, célèbre pour son expédition en Afrique et qui a commencé comme engagé à 20 ans pour devenir sous-lieutenant 4 ans plus tard et finir promu au grade de commandant.

La Coloniale avait également la particularité d’être très pragmatique, cette adaptabilité au terrain fut évoquée dans un ouvrage de Joseph Gallieni (lui-même un ancien de la Coloniale) qui préconisait mobilité, prise de contact avec la population locale, adaptation et allègement des équipements. Autre particularité, les prises d’armes se terminaient souvent par un dicton : « et au nom de Dieu, que vive la Coloniale ! ». Paroles qui furent attribuées à Charles de Foucault, un ancien officier de cavalerie, devenu prêtre, qui fut confronté à des tribus hostiles dans le Hoggar (un massif montagneux au cœur du désert du Sahara) et tiré d’affaires par un détachement de la Coloniale qui n’avait pas hésité à traverser la frontière du Soudan pour le secourir. Les voyant arrivés, il annonça alors : « Au nom de Dieu, vive la Coloniale ».

Juridiquement, c’est la loi du 7 juillet 1900 qui rattachera les Troupes de Marine au ministère de la Guerre. Le général Gallifet fut le principal artisan de cette loi et voulu distinguer une armée métropolitaine pour les guerres contre l’Allemagne et une armée coloniale contre les
britanniques. La Coloniale agissait donc en liaison avec le Ministère des Colonies occupé à disputer l’Afrique à l’Angleterre. Elle était uniquement composée de soldats de métier et d’engagés volontaires pour le service outre-mer.

Désormais, les Troupes de Marine se trouvent au sein de la 9ème Brigade d’Infanterie de Marine qui comprend 4 régiments d’infanterie et un régiment d’artillerie de Marine. En revanche, les Fusiliers Marins appartiennent à la Marine nationale, sous la FORFUSCO (Force
maritime des fusiliers marins et commandos).

Avec l’aimable contribution de Simon COYAC
Caporal des Troupes de Marine au 11ème RAMA et Sauveteur en mer

Bibliographie

(1) « L’homme à travers les âges » – ECM 1971
(2) « Des vaisseaux et des hommes » – Patrick Villiers
(3) « Colonisation » – Jean De La Guérivière
(4) « 1880-1914 La Belle Epoque » – HISTORIA juillet-août 2021

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