Jeunesse en solitaire : liberté de naviguer ou protection juridique ?
La jeunesse s’illustre de pratiques d’excès et de transgression auxquels n’échappent pas les exploits de navigations en solitaire. Ces défis hors du commun auxquels se confrontent de jeunes adolescents posent des questions de droits et plus largement philosophiques…
Qu’il s’agisse de Michael PERHAM, adolescent britannique de 14 ans qui traversa l’atlantique en solitaire à la voile entre Gibraltar et Antigua, de Violette DORANGE et de Tom GORON qui ont traversé la Manche en solitaire sur un optimiste, au surplus en méconnaissance de la réglementation maritime ou encore du projet de circumnavigation de Laura DEKKER, jeune navigatrice néerlandaise, chacun de ces défis réussis ou inachevés soulèvent des questions juridiques au regard des droits et obligations des enfants.
Une obligation de protection juridique
La Convention internationale des droits de l’enfant énonce :
L’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée
Les États parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées
La protection juridique de l’enfant s’applique éminemment au monde maritime, les droits civils étant intégralement attachés à la personne quel que soit le lieu de leur expression. En droit français, l’article 371-1 du code civil rappelle que l’autorité parentale vise l’intérêt de l’enfant jusqu’à la majorité ou son émancipation pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.
En outre, l’enfant ne peut, sans permission des père et mère, quitter la maison familiale et il ne peut en être retiré que dans les cas de nécessité que détermine la loi.
Dans la célèbre affaire dite DEKKER, la juridiction des Pays-Bas a ainsi suspendu le projet de la navigatrice néerlandaise en considérant que l’expédition maritime comportait des risques majeurs et inacceptables pour un enfant et que l’assurance de la sécurité de l’enfant pendant le voyage n’avait pas été suffisamment démontré.
En outre, le tribunal a justifié sa décision dans l’attente qu’une expertise puisse déterminer l’impact d’un tel voyage en solitaire sur l’état psychique et physique de l’adolescente, une telle appréciation étant nécessaire subjective et soulevé une mise en danger éventuelle de la navigatrice soumis à des conditions matérielles, psychologiques et éducatives extraordinaires.
Un droit à la liberté
La Convention sur les droits de l’enfant énonce que nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. En ce sens, la convention ne fait référence à la protection de la liberté de l’enfant qu’au regard des risques de privations illégales et arbitraires.
Au-delà, ce droit à la liberté dans l’intérêt de l’enfant pourrait-il justifier la suspension de l’autorité parentale pour la réalisation de l’expédition maritime ? La sagesse raisonnée du monde adulte doit-elle l’emportée sur le goût de l’aventure et de l’insouciance non maîtrisée de la jeunesse ? De telles questions dépassent le cadre juridique pour s’aventurer sur le terrain de la philosophie…