La liberté de navigation corollaire de la liberté d’aller et venir



La liberté de navigation constitue une composante du droit fondamental de la liberté d’aller et venir et en ce sens sa restriction doit être strictement proportionnée aux risques sanitaires encourus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu. Force est de constater qu’une réglementation édictant une interdiction générale de naviguer semble constitutif d’une atteinte disproportionnée à cette liberté.

Au titre de l’état d’urgence, la loi du 23 mars 2020 dispose que dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Gouvernement peut notamment restreindre ou interdire la circulation des personnes dans les lieux et aux heures fixés par décret, interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé.

L‘article L. 3136-1 du code de la santé publique prévoit les sanctions pénales encourues en cas de violation des interdictions édictées et dispose que l’application de ces sanctions pénales ne fait pas obstacle à l’exécution d’office, par l’autorité administrative, des mesures prescrites en application de ces mêmes interdictions.

Pour autant, au regard de droit fondamental que constitue la liberté d’aller et venir, les mesures prescrites doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.

La liberté fondamentale d’aller et venir

La liberté d’aller et venir et le droit de chacun au respect de sa liberté personnelle, qui implique en particulier qu’il ne puisse subir de contraintes excédant celles qu’imposent la sauvegarde de l’ordre public ou le respect des droits d’autrui. Il s’agit d’une liberté fondamentale.

Le Conseil Constitutionnel dans une décision du 12 juillet 1979 a posé le principe constitutionnel de la liberté d’aller et venir au regard de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui énonce le principe que :

La liberté d’aller et venir et le droit de chacun au respect de sa liberté personnelle, qui implique en particulier qu’il ne puisse subir de contraintes excédant celles qu’imposent la sauvegarde de l’ordre public ou le respect des droits d’autrui, constituent des libertés fondamentales

Décision du Conseil d’Etat du 30 avril 2020

Il incombe au législateur de préciser la mise en œuvre de la liberté d’aller et venir et d’assurer la conciliation entre l’exercice de cette liberté constitutionnellement garantie et la sauvegarde d’autres droits et principes à valeur constitutionnelle comme la prévention de l’ordre public.

Force est de constater que l‘article 3 du décret du 23 mars 2020 ne réglemente que les motifs de déplacement et non les moyens de ces déplacements qui, en l’absence de précisions réglementaires, restent libres

En ce sens, la navigation devrait donc être autorisée à ce titre comme tout autre moyen de déplacement, et quel que soit le motif du déplacement.

La liberté de navigation

La Cour de justice de l’Union Européenne a énoncé que le droit communautaire garantit à tout ressortissant d’un État membre tant la liberté de se rendre dans un autre État membre pour y exercer une activité salariée ou non salariée que celle d’y résider après y avoir exercé une telle activité. Or, l’accès aux activités de loisirs offertes dans cet État constitue le corollaire de la liberté de circulation.

En ce sens, la limitation du droit fondamental de naviguer et par extension de l’exercice de toute activité nautique, nécessite une raison impérieuse d’intérêt général.

Or, la simple affirmation selon laquelle la protection des ressortissants contre l’épidémie nécessite l’interdiction générale et absolue de toute activité nautique alors même que l’application de gestes barrière permettrait cette protection est susceptible de porter atteinte à cette liberté fondamentale.

En ce sens, le Ministère de la Jeunesse et des Sport a édicté des recommandations pour la reprise du sport à compter du 11 mai 2020 avec notamment des activités qui doivent respecter :

Les rassemblements à 10 personnes maximum avec une distanciation physique d’environ 4m² par personne pour les activités de plein air.

Au regard de ces critères, l’interdiction des pratiques nautiques semblerait difficilement justifiée et au-delà pourrait être constitutif d’une atteinte grave et illégale au principe de la liberté d’aller et venir.

Contestation d’une atteinte grave et illégale

Le tribunal des conflits, dans une décision du 12 février 2018, a jugé que la liberté fondamentale d’aller et venir n’entrant pas dans le champ de la liberté individuelle, son atteinte revient au juge administratif, et non pas au juge judiciaire, gardien traditionnel de la liberté individuelle en application de l’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958

Le juge des référés peut, conformément à l’article L 521-2 du Code de justice administrative, ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.

Il appartient au juge de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte, dès lors qu’existe une situation d’urgence caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai.

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