Libre circulation des marins professionnels en Union Européenne et prestations familiales



Dans une affaire rendue le 2 avril 2020, la Cour de Justice de l’Union Européenne apporte des précisions concernant la notion de membres de la famille ainsi que la qualification d’une prestation familiale et rappelle ses principes d’octroi fondés sur la non-discrimination et l’égalité de traitement notamment quand une législation nationale opère une distinction selon le lieu de résidence du travailleur salarié.

L’article 45 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne énonce que la libre circulation des travailleurs implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

La Cour de Justice de l’Union Européenne dans un arrêt du 2 avril 2020 précise la réglementation européenne concernant le droit aux prestations familiales au regard de la libre circulation des travailleurs et notamment au regard tant du lien de filiation que du critère de résidence du travailleur salarié

Une clarification opportune pour les marins professionnels et leur famille, fortement concernés par la mobilité notamment européenne, avec souvent des lieux de résidence qui diffèrent de l’Etat du pavillon compétent pour verser les prestations sociales.

Cette disposition est concrétisée à l’article 7 du règlement 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, qui précise que le travailleur ressortissant d’un État membre bénéficie, sur le territoire des autres États membres, des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

Il résulte de l’objectif de l’égalité de traitement que la notion d’avantage social étendue aux travailleurs ressortissants d’autres États membres comprend tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national, et dont l’extension aux travailleurs ressortissants d’autres États membres apparaît dès lors comme apte à faciliter leur mobilité à l’intérieur de l’Union et, partant, leur intégration dans l’État membre d’accueil.

En ce sens, ce principe doit bénéficier indifféremment tant aux travailleurs résidant dans un État membre d’accueil qu’aux travailleurs qui, tout en exerçant leur activité salariée dans ce dernier État membre, résident dans un autre État membre

Notion de prestations familiale

Selon la jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union Européenne, la distinction entre les prestations relevant du champ d’application du Règlement CE 883/2004 du 29 avril 2004 et celles qui en sont exclues repose essentiellement sur les éléments constitutifs de chaque prestation, notamment les finalités et les conditions d’octroi de celle-ci, et non pas sur le fait qu’une prestation soit ou non qualifiée de prestation de sécurité sociale par la législation nationale

Ainsi, une prestation peut être considérée comme une prestation de sécurité sociale dans la mesure où, d’une part, elle est octroyée, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, aux bénéficiaires sur la base d’une situation légalement définie et où, d’autre part, elle se rapporte à l’un des risques énumérés à l’article 3 du Règlement CE 883/2004 :

  • Prestations de maladie
  • Prestations de maternité et de paternité assimilées
  • Prestations d’invalidité
  • Prestations de vieillesse
  • Prestations de survivant
  • Prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles
  • Allocations de décès
  • Prestations de chômage
  • Prestations de préretraite
  • Prestations familiales

Des prestations accordées automatiquement aux familles qui répondent à certains critères objectifs portant notamment sur leur taille, leurs revenus et leurs ressources en capital, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, et qui visent à compenser les charges de famille, doivent être considérées comme des prestations de sécurité sociale

A l’appui de ces dispositions, la Cour de Justice de l’Union Européenne rappelle que la notion de prestation familiale s’entend de toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges de famille, à l’exclusion des avances sur pensions alimentaires et des allocations spéciales de naissance ou d’adoption.

La Cour juge que les termes « compenser les charges de famille » doivent être interprétés en ce sens qu’ils visent, notamment, une contribution publique au budget familial, destinée à alléger les charges découlant de l’entretien des enfants

Dès lors qu’une allocation est versée pour tous les enfants résidant d’un Etat ainsi que pour tous les enfants des travailleurs non-résidents ayant un lien de filiation avec ce dernier, cette prestation est, par conséquent, octroyée en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, sur la base d’une situation légalement définie, représentant une contribution publique destinée à alléger les charges découlant de l’entretien des enfants, elle doit être qualifiée de prestation de sécurité sociale

Grappe familiale

La Cour de Justice de l’Union Européenne s’attache à rappeler le principe que l’octroi d’une prestation familiale est soumise aux principes de non-discrimination et d’égalité de traitement tant au regard du lien de filiation que du critère de résidence du travailleur salarié.

Prestations familiales et lien de filiation

La Cour a jugé que l’article 45 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 7 du Règlement 492/2011 doivent être interprétés en ce sens qu’il y a lieu d’entendre par enfant d’un travailleur salarié, pouvant bénéficier indirectement des avantages sociaux visés à cette dernière disposition non seulement l’enfant qui a un lien de filiation avec ce travailleur, mais également l’enfant du conjoint ou du partenaire enregistré dudit travailleur, lorsque ce dernier pourvoit à l’entretien de cet enfant.

La notion de « membre de la famille » du travailleur frontalier susceptible de bénéficier indirectement de l’égalité de traitement comprend le conjoint ou le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a contracté un partenariat enregistré, les descendants directs qui sont âgés de moins de 21 ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire.

Le principe d’égalité de traitement prohibe non seulement les discriminations directes, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes indirectes de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat.

En conséquence, le principe de non-discrimination interdit le fait pour une législation nationale d’imposer que les travailleurs non-résidents dudit Etat ne peuvent percevoir une allocation que pour leurs propres enfants, à l’exclusion de ceux de leur conjoint avec lesquels ils n’ont pas de lien de filiation, alors que tous les enfants résidant dans cet État membre ont le droit de percevoir cette allocation.

La Cour laisse cependant une marge d’appréciation aux Etats membres en précisant que pour être justifiée, cette discrimination indirecte doit être propre à garantir la réalisation d’un objectif légitime et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif

Prestations familiales et lieu de résidence

Par ailleurs, la Cour de Justice de l’Union Européenne rappelle que toute personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre État membre, comme si ceux-ci résidaient dans le premier État membre

En ce sens, s’oppose au droit de l’Union Européenne le fait pour un Etat de conférer une allocation familiale directement à l’enfant seulement quand le travailleur salarié réside dans cet Etat alors que s’agissant du travailleur non-résident, ce droit est conféré seulement aux enfants ayant un lien de filiation avec ce travailleur, à l’exclusion de ceux de son conjoint ne présentant pas un tel lien avec lui.

La Cour de Justice de l’Union Européenne s’attache ici à consacrer le droit personnel de l’enfant.

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