Ports de plaisance et usagers : obligations et responsabilités en circonstances habituelles et exceptionnelles
Le gestionnaire d’un port de plaisance est soumis à des obligations de service public. Il doit notamment garantir l’accueil des plaisanciers et assurer la continuité du service offert par la surveillance et l’entretien des infrastructures. En contre partie de ces services, les plaisanciers sont redevables de redevances. Ces droits et obligations de chacune des parties engendrent des responsabilités dont l’application est sujette à de nombreux contentieux, mais aussi dans certaines circonstances qu’elles soient habituelles ou exceptionnelles, des limitations voire des exonérations de faute qu’elles soient au bénéfice du gestionnaire ou de l’usager.
Le port de plaisance exerce la conservation du domaine public du port ainsi que la police de l’exploitation du port, qui comprend notamment l’attribution des postes à quai et l’occupation des terre-pleins. Enfin, il contribue au recueil, à la transmission et à la diffusion de l’information nautique par voie d’affichage notamment concernant les informations météorologiques et les avis urgents aux navigateurs.
Les droits et obligations qui incombent à l’autorité portuaire d’une part, et aux plaisanciers d’autre part, conduisent à des partage de responsabilités en cas de dommages et éventuellement à des causes d’atténuation voire d’exonérations de faute, dont le champ d’application et l’appréciation diffèrent selon que ces dommages surviennent en situation habituelle ou lors de circonstances exceptionnelles.
En vertu de l‘article L 5331-7 du code des transports l’autorité portuaire exerce la police du plan d’eau qui comprend notamment l’organisation des entrées, sorties et mouvements des navires, bateaux ou autres engins flottants. En contrepartie, les plaisanciers sont redevable d’une redevance portuaire.
La Cour administrative d’appel de Marseille a rappelé dans une décision du 2 juin 2016 que l’autorité chargée de la gestion du domaine public doit déterminer le tarif des redevances en tenant compte des avantages de toute nature que le permissionnaire est susceptible de retirer de l’occupation du domaine public. La cour rappelle que les redevances d’occupation du domaine public maritime du port trouvent leur contrepartie dans la fourniture de services effectifs autres que celui que leur procurent les autorisations de stationnement. Les tarifs doivent, par conséquent, correspondent au service effectivement rendu aux usagers du port, et tenir compte des avantages que ceux-ci retirent des équipements du port, sans compter les dépenses nécessaires au fonctionnement et à l’entretien des ouvrages portuaires.
En outre, certains navires à usage professionnel bénéficient d’un tarif spécifique dès lors que ce tarif porte sur le droit de séjour aux ouvrages et non sur l’occupation du d’un poste d’amarrage . Ces navires doivent assurer un service public de transport ou exercer une activité commerciale de location de bateaux, de club de plongée, de réparation navale ou de transport de passagers
Il appartient aux officiers de port et officiers de port adjoints, en tant qu’agents assermentés, de veiller au respect et à la mise en oeuvre des lois et règlements relatifs à la police des ports maritimes sachant que chaque port peut compléter les règlements généraux de police par des règlements particuliers.
Admission et refus des navires de plaisance
L’accès au sein d’un port de plaisance est réservé aux seuls navires de plaisance, en dehors de cas particuliers qui répondent à la qualification de navire au sens de l’article L 5000-2 du code des transports c’est à dire tout engin flottant, construit et équipé pour la navigation maritime et affecté à celle-ci.
En outre, tout navire séjournant dans le port doit être maintenu en bon état d’entretien, de flottabilité et de sécurité pour disposer d’une totale et permanente autonomie de mouvement.
En cas de péril grave et imminent et lorsque leurs ordres n’ont pas été exécutés, les officiers de port et les officiers de port adjoints peuvent monter à bord d’un navire, bateau ou autre engin flottant pour prendre ou ordonner les mesures strictement nécessaires pour faire cesser ce péril.
En cas de mauvais état ou entretien, ou de navires abandonnés susceptible de causer des dommages aux infrastructures et autres usagers, l’autorité portuaire a la faculté de résilier le contrat du poste d’amarrage et de saisir le navire par un organisme compétent, aux frais et risques du propriétaire du navire.
Si l’assurance des navires de plaisance n’est pas obligatoire, l’autorité portuaire peut imposer sa souscription en vue d’accueillir le navire dans son enceinte
Par ailleurs, les navires de plaisance dont le propriétaire n’est pas titulaire d’un contrat de location ou d’amodiation est tenu à son arrivée dans un port de plaisance d’en informer la Capitainerie en indiquant notamment :
- Le nom, les caractéristiques et le numéro d’immatriculation du navire
- Son nom et domiciliation
- La date prévue de départ
- La dénomination et le numéro de sa compagnie d’assurance
Navires en détresse
Il appartient à l’Etat de déterminer les conditions d’accueil des navires en difficulté au sein d’un port de plaisance conformément à l‘article L 5331-3 du code des transports étant précisé que la réparation des dommages causés par un navire en difficulté accueilli dans un port peut être demandée au propriétaire, à l’armateur, ou à l’exploitant.
L’autorité administrative enjoint s’il y a lieu à l’autorité portuaire d’accueillir un navire ayant besoin d’assistance. Elle peut également, s’il y a lieu, autoriser ou ordonner son mouvement dans le port.
En revanche, l’autorité investie du pouvoir de police portuaire qui n’a pas la qualité d’autorité portuaire ne peut autoriser l’entrée d’un navire, bateau ou autre engin flottant dans les limites administratives du port sans l’accord de l’autorité portuaire.
Il incombe par principe à l’autorité portuaire d’accueillir un navire de plaisance ayant besoin d’assistance. Si l’arrivée inopinée d’un navire peut représenter une contrainte majeure pour un port, le principe universel de secours aux personnes en mer doit primer.
En outre, les dispositions de l’article 223-6 du Code pénal prévoyant le délit d’abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril seraient susceptibles d’être retenues à l’encontre de toute personne, physique ou morale, dès lors que le refus d’accueil du navire ne saurait se trouver justifié par un risque légitimement encouru par l’infrastructure ou les tiers.
En revanche, à défaut d’une définition consensuelle et universelle de la détresse en mer, les Etats adoptent des approches différentes.
Une première approche consiste à considérer la détresse de façon stricte, comme l’existence d’un péril certain et déjà matérialisé. Une seconde acception, plus souple précise qu’il s’agit entre autre d’une situation dans laquelle un navire est menacé d’un danger grave et imminent et qu’il a besoin d’un secours immédiat.
Le Règlement de l’Union Européenne n° 656/2014 retient que l’immédiateté du péril n’est pas nécessaire à la qualification d’une situation de détresse et précise des critères en vue de la qualification de la détresse comme :
- L’existence d’une demande d’assistance
- Le nombre de personnes se trouvant à bord par rapport au type et à l’état du navire
- La présence à bord de personnes ayant un besoin urgent d’assistance médicale
- La présence à bord de personnes décédées
L’entrée dans le port viserait alors à mettre un terme à cette situation de détresse étant précisé qu’il incombe au plaisancier une lourde responsabilité puisqu’il lui revient de veiller à respecter l’équilibre entre la nature et l’imminence du danger qui menace la sécurité du navire et les risques que présente, pour le port, l’entrée du navire.
La réparation des dommages causés par un navire en difficulté accueilli dans un port peut être demandée au propriétaire, à l’armateur, ou à l’exploitant.
Navire présentant un risque pour la sécurité et l’environnement
L’accès au port de plaisance est par principe interdit aux navires qui, présentent un risque pour la sécurité maritime, la sûreté maritime ou pour l’environnement en application de l’article L 5334-4 du code des transports.
Cependant, l’autorité investie du pouvoir de police portuaire peut autoriser l’accès d’un navire au port :
- En cas de force majeure
- Pour des raisons de sécurité impératives, notamment pour supprimer ou réduire le risque de pollution ou pour permettre que soient faites des réparations urgentes, sous réserve que des mesures appropriées aient été prises par le propriétaire, l’exploitant ou le capitaine du navire pour assurer la sécurité de son entrée au port.
Enfin, indépendamment des pouvoirs dont elle dispose pour autoriser et régler l’entrée, la sortie et les mouvements des navires dans le port, l’autorité investie du pouvoir de police portuaire peut subordonner l’accès au port à une visite préalable du navire et exiger le dépôt d’un cautionnement.
Navire présentant un défaut d’assurance
L’autorité administrative peut également refuser l’accès au port à tout navire en cas d’absence d’assurance ou de certificat de garantie en application de l’article L 5241-4-5 du code des transports.
Il en est de même pour tout navire qui a fait l’objet d’une expulsion pour défaut d’assurance ou de certificat de garantie, ou à tout navire qui a fait l’objet d’une décision analogue prise par un autre Etat membre, et tant que l’armateur, propriétaire ou affréteur n’a pas apporté la preuve du document nécessaire.
Circonstances exceptionnelles
En cas de crise sanitaire exceptionnelle, le principe de la libre pratique qui s’entend de l’autorisation d’entrer dans un port et notamment qu’un navire ne peut être empêché, pour des raisons de santé publique, de faire escale à un point d’entrée, peut être nuancée, puisque Le Règlement sanitaire international de l’Organisation Mondiale de la Santé laisse une marge d’appréciation à chaque Etat pour autoriser un navire à entrer dans un de ses ports s’il estime que cette arrivée n’entraînera pas l’introduction ou la propagation d’une maladie.
De surcroît, cette disposition laisse la place à des exceptions plus précises, en cas de risques particuliers pour la santé publique ou d’urgences de santé publique de portée internationale.
Si en situation exceptionnelle, un Etat peut empêcher un navire de faire escale dans ses ports et refuser l’embarquement et le débarquement de passagers, ces mesures nécessairement fondées sur des études scientifiques, doivent être proportionnelles et ne pas être plus restrictives ni plus intrusives ou invasives pour les personnes que les autres mesures raisonnablement applicables.
Droit d’usage des plaisanciers
Les installations d’un port de plaisance doivent être mises en permanence à la disposition des usagers du port, qu’ils soient propriétaire, locataires ou encore utilisateurs d’un navire amarré dans le port.
La disposition privative de postes à quai destinés à des navires de plaisance varie selon les situation. Le principe est qu’elle ne peut être consentie pour une durée supérieure à un an, renouvelable chaque année dans les conditions définies par l’autorité compétente.
Lorsque la disposition privative de postes à quai est consentie à des entreprises exerçant des activités de commerce et de réparation nautiques ou à des associations sportives et de loisirs, la durée est portée à cinq ans.
Il peut être également accordé des amodiations, ou garanties d’usage de postes d’amarrage pour une durée ne pouvant excéder trente-cinq ans, en contrepartie d’une participation au financement d’ouvrages portuaires nouveaux constituant une dépendance du domaine public de l’Etat.
Le contrat accordant la garantie d’usage, dont la durée reste à la discrétion de chaque autorité portuaire, doit prévoir que le droit attaché à cette garantie ne peut faire l’objet d’une location que par l’entremise du gestionnaire du port ou avec son accord.
Le gestionnaire fixe également par délibération une proportion de postes à quai réservés à des navires de passage. Ces navires doivent doit faire l’objet d’une demande écrite au gestionnaire afin que l’autorité puisse accueillir ou non la demande.
L’autorisation d’occupation du domaine public comme un poste d’amarrage au sein d’un port de plaisance est accordée uniquement à titre personnel et ne saurait se transmettre par vente ou héritage d’un navire occupant l’emplacement, ceci pour éviter des rentes de situation.
Surveillance des navires de plaisance
Objet de convoitise, le navire amarré dans un port de plaisance est susceptible de faire l’objet d’actes malveillants à l’instar du vol mais également de toute autre dégradation volontaire. Ces situations sont à l’origine de nombreux contentieux opposant l’autorité portuaire aux usagers.
Le gestionnaire du port de plaisance doit assurer une surveillance générale des installations du port. Toutefois, il n’a pas qualité de dépositaire ou de gardien des navires et des biens se trouvant dans l’enceinte portuaire.
Le contrat d’amarrage ne peut être qualifié de contrat de dépôt au sens de l’article 1915 du code civil qui s’analyse en un contrat réel par lequel une personne remet une chose mobilière à une autre qui accepte de la garder et s’engage à la restituer en nature lorsque la demande lui en sera faite et duquel découle une obligation de garde.
Par un arrêt rendu le 3 juin 1998, la Cour d’appel de Montpellier, à propos d’un incendie criminel survenu à bord d’un navire amarré dans un port de plaisance, a considéré que le gardiennage du port qui permet une surveillance de celui-ci et de l’ensemble des bateaux ne peut être confondu avec un gardiennage individuel avec une présence d’un gardien qui va vérifier l’état de chacun des bateaux
De jurisprudence constante et à l’inverse des abus de langage sur les pontons, le gestionnaire n’a pas pour objet d’assurer le gardiennage des navires se trouvant dans l’enceinte portuaire mais ne s’oblige à intervenir que pour assurer une surveillance générale de l’ensemble des embarcations.
L’autorité portuaire n’étant pas redevable d’une obligation de garde des embarcations, le contrat passé entre le plaisancier et l’autorité portuaire doit être analysé comme un contrat de louage, lequel suppose, en l’absence de règles particulières, une obligation de surveillance qui ne constitue pas une obligation de garde du navire.
De ce contrat de louage, la responsabilité de l’autorité portuaire ne sera qu’une simple obligation de moyens et non de résultats. Il en résulte que dans l’hypothèse où le navire viendrait à subir des dégâts matériels, la charge de la preuve reposera sur son propriétaire et son assureur. Il leur reviendra de démontrer que ladite autorité a commis une faute et ne s’est pas comportée avec toute la diligence que l’on pouvait attendre d’elle.
En d’autres termes, l’autorité portuaire n’est pas responsable de plein droit de la conséquence d’actes malveillants commis à l’encontre des navires dans la mesure où il ne lui revient pas d’assurer leur garde ni leur conservation
De même , par principe, l’exploitant du port ne répond pas des dommages occasionnés aux navires ou aux biens par des tiers et sa responsabilité ne pourra pas être recherchée à l’occasion de services accessoires que l’usager aurait pu confier à des tiers.
Pour autant, dans de rares affaires, la Cour de cassation a pu retenir la qualification du contrat d’amarrage en un contrat de dépôt dans un arrêt du 13 décembre 1982 au se référant à une clause qui stipulait que le port assure la garde matérielle du bateau et sa responsabilité juridique est couverte par un contrat auprès de sa compagnie d’assurance dont les garanties comprenaient la disparition et la détérioration des bateaux, de leurs accessoires, par suite d’un vol..
En ce sens, si par principe, les navires sont amarrés sous la responsabilité des usagers, conformément aux usages maritimes, le port de plaisance peut néanmoins voir sa responsabilité engagée dans certaines circonstances au regard d’une jurisprudence fluctuante.
Garde des navires de plaisance
Dans certaines situations, le gestionnaire portuaire peut devoir intervenir sur des navires qu’il s’agisse d’une circonstance urgente ou de gestion courante comme par exemple lors d’une opération dragage ou de l’accueil d’une manifestation nautique nécessitant un réajustement des places à quai.
Dans cette situation, la garde du navire sera transférée, en tout ou partie, du propriétaire du navire vers l’autorité portuaire qui, en cas de dommages survenant consécutivement à l’intervention du personnel d’exploitation, engagera sa responsabilité sur le fondement de l’article 1242 du code civil selon lequel une personne est responsable par le fait des choses qu’elle a sous sa garde selon les critères d’usage, de direction et de contrôle.
En outre, les règlements particuliers de police portuaire comportent généralement une clause qui établie que le personnel chargé de l’exploitation du port est qualifié pour effectuer ou faire effectuer les manœuvres jugées nécessaires sans que la responsabilité du propriétaire soit en rien engagée.
A l’inverse, si le contrat annuel de stationnement contient une clause par laquelle la société assure la garde matérielle du bateau et sa responsabilité juridique est couverte par un contrat auprès de sa compagnie d’assurances, en cas de dommages ou de vol, l’autorité portuaire verra sa responsabilité engagée.
Entretien des ouvrages portuaires
La responsabilité administrative du fait de l’ouvrage public portuaire est fréquemment retenue à l’encontre des gestionnaires de ports de plaisance et ce, consécutivement à des dommages survenus aux navires à postes en raison d’un défaut d’entretien normal des ouvrages.
Il s’agit d’un régime de responsabilité pour faute présumée qui pèse sur le responsable du port de plaisance dont la particularité réside dans le fait que la charge de la preuve est renversée.
Autrement dit, le plaisancier, victime d’un dommage consécutif à un défaut d’entretien des ouvrages portuaires, n’a pas établir le lien de cause à effet entre le dommage et les agissements du gestionnaire, ni qu’elle rapporte la preuve d’une faute du port de plaisance.
La jurisprudence apporte des précisions concernant cette responsabilité et les tribunaux ont pu retenir la responsabilité de l’autorité portuaire par exemple :
- Lors d’amarres à quai en mauvais état ou en nombre insuffisant ou encore du fait de leur rupture causant des dommages au navire
- Lorsque la coque d’un navire est endommagé par la présence d’un objet formant saillie le long d’un quai
- Lors de l’impossibilité pour un navire d’utiliser certains bollards d’un quai où il doit s’amarrer
- Lors d’une pollution des eaux portuaires, indissociables juridiquement des ouvrages portuaires, imputable au défaut d’entretien de l’ouvrage public
- Lors de dommages consécutifs à une tempête et résultant de défaut d’entretien de l’enceinte portuaire
Causes d’exonération de la responsabilité du port de plaisance
Le port de plaisance qui endosse notamment un devoir de surveillance et d’entretien des infrastructures portuaire peut voir sa responsabilité engagée dans certaines circonstances comme un dommage aux navires en raison d’un défaut d’entretien normal, sauf, à démontrer, que ce dommage résulte non pas d’un défaut d’entretien, mais d’un cas de force majeure ou d’une faute personnelle de la victime, par exemple le propriétaire du navire.
A noter que le Conseil d’Etat posé le principe selon lequel le fait du tiers n’est pas exonératoire dans le cadre de la théorie du défaut d’entretien normal.
Force majeure
Qu’il s’agisse de la responsabilité contractuelle ou de la responsabilité délictuelle, et malgré le particularisme de chacune d’entre elles, la force majeure, selon la définition classique qui en est donnée, est un événement qui se caractérise par trois éléments cumulatifs et non alternatifs à savoir son extériorité, son imprévisibilité et son irrésistibilité
Un événement extérieur
La condition d’extériorité implique que l’événement soit, ou bien extérieur à la chose qui a causé le dommage et dont la personne avait la garde, ou bien extérieur au gardien. L’extériorité s’entend également d’un événement indépendant de la volonté de celui qui doit exécuter le contrat et rendant impossible l’exécution de celui-ci.
Un évènement imprévisible
L’imprévisibilité repose essentiellement sur une appréciation du comportement du gestionnaire avant la réalisation de l’événement. Elle s’apprécie par référence à une personne ou un contractant prudent et diligent, et en tenant compte des circonstances de lieu, de temps, de saison. Il faut que gestionnaire n’ait pas pu prévoir la réalisation du dommage.
- En matière délictuelle, l’imprévisibilité s’apprécie au jour du fait dommageable
- En matière contractuelle, l’imprévisibilité s’apprécie au jour de la formation ou de la conclusion du contrat, le débiteur ne s’étant engagé qu’en fonction de ce qui était prévisible à cette date
En tant que la notion d’imprévisibilité est par essence relative, même dans le cas d’événements naturels, et d’appréciation subjective, les tribunaux retiennent que l’événement doit provoquer un effet de surprise au regard du lieu, du moment et des circonstances dans lesquels il se produit, de telle manière qu’il n’ait pu être prévu par un homme prudent et avisé.
Un évènement irrésistible
L’irrésistibilité implique une appréciation du comportement de l’individu pendant la réalisation de l’événement. Il faut que l’événement ait été inévitable et insurmontable conduisant à l’impossibilité pour le gestionnaire du port concernée, d’agir autrement. Sa caractérisation suppose de rechercher si un individu moyen, placé dans les mêmes circonstances, aurait pu résister et surmonter l’obstacle.
Cette condition de l’événement est dans la plupart des contentieux, à elle seule, constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d’en empêcher les effets. Il se peut en effet qu’un événement soit irrésistible bien que l’événement ait été normalement prévisible, lorsque sa réalisation ou ses effets sont inévitables en dépit des précautions nécessaires qui ont été prises.
Concernant les ports de plaisance, les tribunaux opèrent une application très stricte dans l’appréciation de la force majeure dont la plupart des litiges concernent des dommages aux navires consécutifs à une tempête. De jurisprudence constante, celle-ci doit être doit être inévitable et imprévisible avec une telle intensité qu’elle présente un caractère insurmontable pour le gestionnaire portuaire.
Il ressort de la jurisprudence que les décisions qui admettent la force majeure pour des dommages causés à ou par des embarcations concernent des vents particulièrement violents de nature cyclonique créant des effets de houle exceptionnelle.
Dans le cadre d’une crise sanitaire exceptionnelle imposant des mesures de confinement et notamment l’interdiction pour les plaisanciers d’accéder aux emplacements à flots au sein du port de plaisance, un dommage qui surviendrait au navire alors même que celui-ci est sous la responsabilité de l’usager, soulève une difficulté juridique en tant que le port n’est pas tenu à l’obligation de garde.
Dans ces circonstances et en cas de litige, il reviendrait probablement aux juges de circonscrire la cause du dommage (causé par un défaut d’entretien d’une infrastructure portuaire ou d’un équipement du navire ou de ses appendices comme des amarres) et ses conséquences (dangerosité, péril imminent…) afin de définir les champs de responsabilité et le cas éventuel soulever un cas de force majeure
Faute personnelle du plaisancier
Le plaisancier qui concourt en tout ou partie à son dommage, soit par un comportement imprudent, illégal ou dolosif, constitue une cause d’atténuation ou d’exonération de responsabilité du port de plaisance.
Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 29 janvier 1982 a considéré que le fait d’amarrer une embarcation à un endroit non désigné par l’autorité portuaire constitue une faute qui écarte la responsabilité de cette autorité en cas de dommages subi par le navire. Les mauvaises conditions d’amarrage et le défaut d’entretien de l’embarcation par son propriétaire ont également pour conséquence d’exonérer l’autorité portuaire de sa responsabilité.
Le Conseil d’Etat a également dans un arrêt du 6 janvier 2016 sanctionné l’imprudence d’un plaisancier victime d’une chute circulant à pied sur le domaine public portuaire. En l’espèce, ce particulier en contournant un quai par un chemin non éclairé et non balisé, plutôt que d’emprunter une voie d’accès prévue à cet effet a pour conséquence d’exonérer en totalité la responsabilité du port.
En revanche, la Haute Juridiction administrative par un arrêt rendu le 26 juillet 2006 a retenu la responsabilité d’un port de plaisance faute de démontrer pour celui-ci que le dommage trouve son origine dans le défaut d’amarrage du bateau par le propriétaire
Dans une affaire, la Cour de cassation a retenu l’exploitant d’un port de plaisance comme responsable par le fait de ne pas réagi devant la présence à bord de celui qui allait dérober le navire, et en l’aidant à mettre le moteur en route, quand bien même il ne pouvait présager du vol. Cependant, une partie du préjudice est resté à la charge du propriétaire de l’embarcation qui avait laissé par imprudence, à bord, la clé du contact du moteur.
Causes d’exonération de la responsabilité du plaisancier
Si la législation est protectrice du gestionnaire portuaire en tant qu’il est seulement tenu d’assurer une surveillance générale sans endosser la qualité de dépositaire ou de gardien des navires et des biens se trouvant dans l’enceinte portuaire. Néanmoins, la faute commise par l’autorité portuaire est susceptible d’exonérer l’usager si elle atteint une certaine gravité.
Les Tribunaux ont ainsi exonéré le plaisancier de sa responsabilité dans les circonstances suivantes :
Un navire amarré à un poste à quai par l’autorité portuaire n’engage pas la responsabilité de son propriétaire pour les dommages provoqués par le navire au quai, dès lors que l’événement est imputable au ressac fréquent à cet endroit, et dont l’existence n’avait pas été signalée au capitaine du navire qui fréquentait le port pour la première fois
Le fait pour l’autorité portuaire d’autoriser l’amarrage d’un navire selon des prescriptions allégées, et de faire preuve de négligence dans le cadre des consignes données pour l’amarrage constitue une faute assimilable à un cas de force majeure exonérant l’auteur du dommage de toute responsabilité.
Ces décisions illustrent que si le gestionnaire d’un port de plaisance n’est pas tenu à une obligation de gardiennage, pour autant, en tant que professionnel, il est tenu à des devoirs d’information et de précaution à l’égard des usagers.